La mécanique exigeante de la garantie financière du syndic de copropriété
Prévues par l’article 3, 2° de la loi du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, et organisées par les articles 39, 42, 44 et 45 de son décret d’application du 20 juillet 1972, les garanties financières obligatoires sont au cœur de l’exercice des professions immobilières. Elles constituent un rempart essentiel contre les risques de détournement des fonds confiés.
Encore faut-il comprendre leur logique. Ce que l’on présente souvent comme un mécanisme automatique d’indemnisation obéit en réalité à un régime strict, fondé sur des conditions précises de déclenchement, des délais serrés, et une exigence probatoire rigoureuse.
L’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le12 juin 2025 est exemplaire : il détaille à la fois les conditions dans lesquelles une garantie prend fin, celles dans lesquelles une autre prend le relais, et surtout ce qu’un syndic – ou tout professionnel soumis à la loi Hoguet – doit être en mesure de démontrer pour que la garantie joue.
L’affaire
Le premier syndic, aujourd’hui en liquidation judiciaire, avait reçu d’importantes sommes pour la gestion d’un ensemble immobilier. Lorsqu’il entre en fonction, le second syndic découvre de graves irrégularités : fausses factures, écritures inexpliquées, prélèvements injustifiés. Le syndicat de copropriétaires évalue son préjudice à plus de 160.000 € et engage une action contre les deux garants financiers successifs.
Le premier garant invoque la cessation régulière de sa garantie au 18 janvier 2016, après publication d’un avis conformément à l’article 44 du décret. Le second garant, qui avait pourtant accepté la reprise d’antériorité avec effet au 1er janvier 2016, conteste la qualité des preuves fournies.
Le tribunal ne reconnaît qu’une indemnisation partielle, à hauteur de 26.865,76 €. Le syndicat fait appel.
La solution
La cour confirme la régularité de la cessation de garantie du premier garant, et rappelle deux principes déterminants du régime Hoguet :
- « Lorsque la cessation de la garantie financière […] n’est pas concomitante au changement de garant, l’ancien garant […] n’est pas tenu d’une nouvelle formalité de publication une fois informé du changement de garant. »
Et plus loin :
- « Les formalités de notification […] ont pour seul effet de déterminer le point de départ du délai de trois mois imparti au créancier pour présenter sa réclamation et sont sans incidence sur la cessation de garantie, qui intervient, […] à l’expiration d’un délai de trois jours francs suivant sa publication dans un quotidien. »
Le second garant, quant à lui, se voit condamné à hauteur de 135.742,75 €, correspondant aux détournements caractérisés par un jugement pénal devenu définitif. La cour précise :
- « Ce détournement […] suffit à démontrer l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible. »
En revanche, la demande portant sur les 26.865,74 € restants est rejetée. Les écritures comptables, rapprochements bancaires et autres documents produits n’établissent pas, à eux seuls, le caractère probant des sommes réclamées.
Enfin, la cour rappelle que la garantie ne couvre pas tout :
- « Les dépassements d’honoraires ou honoraires injustifiés, à les supposer établis, ne relèvent pas de la garantie financière dès lors qu’ils ne correspondent pas à des versements ou remises effectués par les copropriétaires. »
Aucune responsabilité civile n’est retenue contre le second garant : il n’est pas démontré qu’il ait commis un manquement dans l’exercice de sa mission.
En pratique
Ce n’est pas un arrêt de principe. C’est un arrêt de méthode.
Et pour les professionnels soumis à la loi Hoguet, à commencer par les syndics, il offre plusieurs points d’appui très concrets.
Le premier est documentaire : la garantie ne joue que si le professionnel ou le mandant peut établir une créance née d’un versement ou d’une remise, et démontrer son caractère certain, liquide et exigible. Cela suppose des comptes rigoureux, des pièces traçables, et une capacité à justifier l’absence de restitution.
Le second est juridique : en cas de succession de garanties, il est capital de connaître les dates précises, la nature de la reprise d’antériorité, et les effets des publications. Un syndic mal informé sur ces points peut perdre un droit à indemnisation parfaitement légitime – ou se retrouver injustement exposé.
Le troisième est professionnel : si les sommes en cause ont été détournées sans transiter par les comptes du syndic – mais directement encaissées par une personne physique – encore faut-il le prouver. À défaut, la garantie ne sera pas mobilisable.
En creux, cette décision rappelle à tous les professionnels de l’immobilier – y compris ceux qui ne sont pas syndics mais qui détiennent des fonds – que la garantie financière n’est pas un parapluie automatique. C’est un mécanisme redoutablement encadré. Et qu’au moment où tout vacille, ne restera mobilisable que ce qui aura été structuré, justifié, conservé.
* Cour d’Appel de Nîmes, 2e ch. A, 12 juin 2025, n° 22/03869