Du droit de suite de l’agent commercial immobilier
Le droit de suite de l’agent commercial immobilier n’a rien d’énigmatique.
Prévu par l’article L. 134-7 du Code de commerce, il lui permet de percevoir une commission sur les affaires conclues après la rupture de son contrat, dès lors qu’elles sont « principalement dues » à son activité et conclues dans un « délai raisonnable ».
Un cadre bien balisé… mais dont la mise en œuvre reste éminemment factuelle.
L’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 24 juillet 2025* en fournit une illustration concrète, assortie d’un rappel utile sur la loyauté contractuelle.
L’affaire
Une agente commerciale immobilière, après huit mois d’activité, quitte une agence tout en sachant que plusieurs mandats qu’elle a « entrés » sont encore en cours.
Lorsque deux d’entre eux aboutissent à des ventes après son départ, elle réclame ses commissions.
Face au silence de l’agence, puis à son refus de médiation, elle saisit le tribunal de commerce, qui lui donne raison.
L’agence interjette appel, contestant tant le principe que le montant des commissions et sollicitant même des dommages-intérêts reconventionnels.
La solution
La cour d’appel applique l’article L. 134-7 du Code de commerce, rappelant que :
- « Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission lorsque l’opération est principalement due à son activité et conclue dans un délai raisonnable. »
Sur le premier mandat, elle constate que si l’agente avait initié les démarches (mandat, visites, présentation de l’acquéreur), la finalisation de la vente avait exigé un travail conséquent du gérant après son départ.
Résultat : commission d’« entrée » intégrale, mais commission de « sortie » réduite de moitié.
Sur le second, en revanche, l’essentiel avait été accompli avant son départ : la commission complète (entrée et sortie) est due. La cour corrige toutefois le calcul des premiers juges en appliquant les pourcentages sur les honoraires HT.
Enfin, elle sanctionne la mauvaise foi de l’agence : absence d’information sur l’avancée des ventes, refus injustifié de médiation, contestation dilatoire. Elle alloue 1 000 € pour préjudice moral, relevant que :
- « Le manque de bonne foi manifesté […] aura été source de tracasseries particulières pour l’agente, contrainte de multiplier vainement les démarches pendant plus d’un an. »
En pratique
Trois enseignements se dégagent de cet arrêt :
– Un droit connu, mais appliqué avec pragmatisme : la notion de « principalement dû » permet d’ajuster la commission selon les diligences respectives avant et après la rupture.
– Le calcul HT : un rappel élémentaire mais crucial, souvent négligé dans les litiges internes entre agents et agences.
– La loyauté post-contrat : l’inaction et la rétention d’information peuvent caractériser un manquement de bonne foi, distinctement indemnisable.
Pour les agents commerciaux, cet arrêt souligne l’importance de documenter chaque étape de leur intervention. Pour les agences, il rappelle qu’un différend de cette nature, laissé à l’enlisement, peut coûter plus cher qu’une commission contestée.