Pourparlers ou promesse ? La clarté, boussole de l’agent immobilier

La vie des transactions immobilières est faite de nuances : il y a les discussions exploratoires, parfois enfiévrées, et il y a les engagements qui lient définitivement les parties.
Mais la frontière est mince, surtout lorsque les échanges s’écrivent sur du papier à en-tête d’agence.
L’agent immobilier joue alors un rôle décisif : il doit tracer clairement la ligne entre ce qui relève du simple pourparler et ce qui engage juridiquement son mandant.
En atteste un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, le 12 août 2025, épilogue d’une trop longue affaire.

L’affaire

Des propriétaires confient à une agence un mandat exclusif de vente, laquelle délègue sa mission à un autre professionnel. Un acquéreur formule une offre, légèrement inférieure au prix prévu au mandat, sans condition suspensive de financement.
Un courrier de l’agence, daté du 27 décembre 2011 et adressé à son confrère délégataire, indique que « ses clients sont disposés à accepter » cette offre, sous certaines modalités. L’acquéreur, avocat de profession, y voit une acceptation ferme.

Il assigne donc les vendeurs pour faire déclarer la vente parfaite, mais est déouté aussi bien en première instance qu’en appel.

L’acquéreur  engage ensuite la responsabilité de l’agence pour faute délictuelle, lui reprochant d’avoir excédé ses pouvoirs en lui transmettant une offre non validée par ses mandants.
Le tribunal judiciaire de Nice le déboute en 2021, suivi par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence..

La solution 

La cour rappelle que, faute de lien contractuel direct, la responsabilité de l’agent ne peut être recherchée que sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Or encore faut-il démontrer une faute et un lien de causalité.

Elle juge que :

  • « Tout manquement à son devoir de conseil ou de loyauté envers l’acquéreur exige la preuve que l’agent immobilier a, en toute connaissance de cause, excédé son mandat et proposé une offre qui ne correspondait pas à celle que les propriétaires avaient acceptée, de même que la preuve doit être rapportée qu’il a tenté de tromper l’acquéreur par des manœuvres frauduleuses ».

Et d’ajouter :

  • « Le courrier du 27 décembre 2011 (…) ne peut être interprété que comme une contre-proposition (…) adressée à l’agent délégataire, et non à l’acquéreur. (…) Il ne pouvait être considéré comme engageant les mandants, dont l’accord écrit était nécessaire. »

En conséquence, la cour écarte toute faute et confirme le rejet des demandes indemnitaires de l’acquéreur.

En pratique

A dire vrai, la solution ne faisait guère de doute.
Pour autant, l’enseignement est clair : dans la pratique immobilière, tous les échanges n’engagent pas.
Les juges distinguent fermement les pourparlers, même formalisés par écrit, de l’engagement ferme et définitif qui suppose l’accord exprès des mandants.

Mais cette distinction repose sur une exigence : la clarté de l’action de l’agent.

  • Lorsque l’agent relaie une information intermédiaire, il doit le signaler explicitement, en rappelant que seule la confirmation écrite des propriétaires engage la vente.

  • Lorsque l’agent écrit « mes clients sont disposés à accepter », il prend le risque d’alimenter l’ambiguïté : une formule de style peut devenir, dans l’esprit de l’acquéreur, une promesse.

  • Le rôle du notaire est ici essentiel : il incarne le passage du pourparler à l’acte, et l’agent doit s’appuyer sur lui pour sécuriser la bascule.

En somme, la sécurité de l’agent repose sur sa capacité à ne pas brouiller les lignes. Être lisible, distinguer les échanges préparatoires de l’offre ferme, rappeler sans cesse le cadre du mandat : c’est ainsi que se prévient le contentieux.

* CA Aix-en-Provence, ch. 1 1, 12 août 2025, n° 21/06249.