Gestion des mandats : de la rigueur, toujours
La loi Hoguet du 2 janvier 1970 et son décret d’application du 20 juillet 1972 sont clairs : aucune commission ne peut être réclamée par un agent immobilier au titre de son intermédiation, à défaut d’un mandat préalable, dûment mentionné au registre des mandats, ces dispositions étant d’ordre public et sans possibilité d’y déroger a priori.
On dira que les exigences en ont été assouplies, depuis un revirement de jursiprudence fameux résultant d’un arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de cassation, du 24 février 2017 (pourvoi 15-20.411), dont il résulte qu’un manquement au formalisme légal n’entraîne qu’une nullité relative, notamment susceptible d’être couverte par une ratification ultérieure.
Mais encore faut-il être en mesure de prouver son droit à rémunération, et de manière générale, il n’existe aucune autre preuve possible que la production dudit mandat, ce que nous rappelle la Cour d’Appel de Pau dans un arrêt rendu le 11 avril 2024.
Un agent immobilier, se prévalant d’un mandat de recherche, avait permis à un promoteur immobilier de procéder à une acquisition, à la suite de laquelle il avait adressé à celui-ci une facture d’honoraires de 94 000 € HT.
Le droit à honoraires ayant été contesté par le client , l’agent immobilier avait agi en Justice en produisant, notamment, la copie du registre des mandats faisant référence au mandat invoqué, de même qu’une convention d’honoraires intermédiaire, antérieure à la vente, contenant engagement de régler les sommes qui seront ultérieurement visées par la facture mais faisant référence à une « lettre de mission », le tout étant constaté par un commissaire de Justice.
A défaut de production du mandat lui-même, la Cour d’Appel juge que les éléments invoqués par l’agent étaient insuffisants pour s’assurer de l’existence et de la conformité du mandat fondant le droit à commission.
Et, la Cour ajoute qu’en l’espèce, les conditions ne sont pas réunies pour que l’agent puisse faire appel à la notion d’enrichissement injustifié au détriment d’autrui pour solliciter une indemnité valant rémunération ; car selon elle, la convention d’honoraires intermédiaire ne visait pas directement le mandat, et l’acquéreur effectif n’était pas le client lui-même, mais une société civile de construction vente substituée.
Sur ce point, on observera que la prétention de l’agent est effectivement rejetée par la Cour d’Appel de Pau, de sorte qu’il ne peut lui être fait aucun grief réel sur le fond, mais que cette position manque singulièrement de fermeté.
Car la jurisprudence de la Cour de cassation est dépourvue de toute ambiguïté : « les règles de l’enrichissement sans cause ne peuvent tenir en échec les dispositions d’ordre public [des articles 6-I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972], lesquels subordonnent la licéité de l’intervention d’un agent immobilier dans toute opération immobilière, et partant, son droit à rémunération comme à indemnisation, à la détention d’un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties à l’opération » (Cass. 1ère civ., 18 juin 2014, n° 13-13.553).
Tout cela est plus que classique, nécessairement connu, avec sa conséquence logique, inéluctable en l’espèce : les efforts déployés par l’agent, même fructueux, étaient définitivement perdus.
La Cour rappelle cependant que, conformément à la jurisprudence habituelle, il existe une seule et unique planche de salut pour l’agent négligent : une reconnaissance d’honoraires par voie de convention, à condition qu’elle soit postérieure à la vente définitive, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
C’est dire que, faute de rigueur dans la gestion de ses propres intérêts, dont le socle incontournable est le mandat, l’agent ne peut, en dernier recours, s’en rapporter qu’au « bon vouloir » de son mandant.
CA Pau, 2e ch. sect. 1, 11 avr. 2024, n° 23/00176