Du droit à rémunération de l’agent en cas de refus de réitération de la vente

L’agent immobilier a bien fait son travail : un mandat a été régularisé avec un vendeur, un acquéreur a été trouvé, la promesse de vente a été signée au prix de 9 700 000 €, et les conditions suspensives ont été levées, notamment par l’obtention d’un financement. Ce faisant, l’agent aura bien mérité la commission prévue au mandat, soit 360 000 €, qui pourra lui être versée sitôt la vente réitérée ; ledit droit à commission ayant même fait l’objet d’une reconnaissance d’honoraires par l’acquéreur, sur qui les parties en ont fait peser contractuellement la charge.

Mais voilà : en raison d’une mésente avec le vendeur, l’acquéreur refuse de réitérer et renonce à son acquisition. Et bien entendu, hélas, refuse de verser la commission. Quant au vendeur, il ne persiste pas dans le projet, ne demande pas en Justice la réitération forcée de la vente, de sorte que celle-ci ne se fera jamais.

L’agent n’a d’autre choix que d’aller lui-même chercher en Justice sa rémunération, ce qui donne l’occasion à la Cour d’Appel de Montpellier de se prononcer sur les principes applicables dans un arrêt du 4 avril 2024, conforme à la jurisprudence habituelle :

  • ♦ Par principe, il n’existe aucun droit à commission pour l’agent, dès lors qu’en vertu des dispositions de l’article 6-1 de la Loi Hoguet, aucun honoraire ne peut être exigé lorsqu’une vente n’a pas été définitivement conclue par acte authentique.
  • ♦ Mais lorsque le mandant est seul à l’origine de l’absence de réitération, alros que toutes les conditions suspensives ont été remplies, il doit indemniser l’agent à raison de sa perte de chance de recevoir la rémunération escomptée.

En l’espèce, la Cour se montre particulièrement sévère envers l’acquéreur, puisque l’indemnité allouée à l’agent au titre de la perte de chance est fixée à 350 000 € – soit 97% de la commission convenue..

Toutefois, tel ne sera pas toujours le cas, dès lors que le taux perte de chance, qui ne peut jamais être fixée au montant de la commission perdue, est fixé discrétionnairement par les magistrats, en fonction des circonstances – lesquelles peuvent être liées à de multiples facteurs, par exemple un « accident de la vie » susceptible d’entraîner une certaine indulgence.

La parade consiste alors à faire prévoir, dans l’acte de promesse, une clause pénale stipulée en faveur de l’agent, prévoyant le versement d’une somme équivalente à la commission en cas de refus de réitération de l’une des parties alors que toutes les conditions suspensives sont levées. Parade non absolue, en ce qu’une telle clause est toujours réductible en cas d’excès, mais le débat est alors nettement plus circonscrit, et place alors l’agent dans une meilleure position s’il souhaite envisager une discussion amiable.

Il peut aussi être utile de prévoir une telle clause pénale dans l’acte de reconnaissance d’honoraires. Car s’il est vrai que la valeur d’un tel acte est relative, en ce qu’elle suppose toujours l’existence d’un mandat licite préalable et en ce que le versement de la commission est nécessairement conditionné à la réitération d’une vente, il n’y a pas moins là un accord entre l’agent et le signataire, ce qui autorise nombre d’aménagements contractuels.

CA Montpellier, 4e ch. civ., 4 avr. 2024, n° 21/01218