Agence immobilière en franchise et clause de non-réaffiliation

La crise de l’immobilier rebat un certain nombre de cartes, et conduit nécessairement les acteurs à s’interroger sur leur avenir.
La tentation peut être forte, pour une agence immobilière membre d’un réseau de franchise, de changer d’enseigne en rejoignant un autre réseau.
Mais qu’en est-il de la clause de non-réaffiliation, plus ou moins étendue, contenue dans le contrat de franchise ?

C’est à cette question que répond un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 juin 2024 (n° 23-15741), dont la publication au Bulletin atteste de l’importance. La haute juridiction y fait le point sur l’application au secteur des agences immobilières des dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de commerce issus de la loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

D’abord, la Cour juge qu’au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur, qui est de mettre un terme aux pratiques contractuelles des réseaux de distribution visant à dissuader les changements d’enseigne, la notion de « commerce de détail » peut couvrir des activités de services auprès de services immobiliers, telle une activité d’agence immobilière.

Ensuite, la Cour valide les conditions dans lesquelles l’arrêt qui lui était déféré avait déclaré non écrite une telle clause, au motif qu’en l’espèce, elle portait une atteinte excessive à la liberté du franchisé au regard des intérêts à protéger :

  • La clause ne pouvait être prévue à l’échelle d’un département entier, un périmètre beaucoup plus restreint étant suffisant pour éviter la concurrence avec les agences en franchise,
  • L’extension de son champ d’application à « toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l’exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée », avait pour conséquence de concerner tout salarié, tout sous-traitant et tout prestataire ayant collaboré avec le franchisé, alors même que la collaboration aurait cessé, en imposant au franchisé de se porter fort du respect de cette obligation,
  • De même, son extension à « tout ayant cause, à titre universel ou particulier » était disproportionnée, dès lors que cela aurait eu pour effet de réduire le nombre de successeurs susceptibles d’être intéressés par l’achat du fonds, alors que 50% des agences immobilières sont exploitées en réseau.

La sanction est lourde pour le franchiseur, dont la clause de non-réaffiliation est, non pas restreinte dans son champ d’application, mais annulée et déclarée non écrite dans son entier.

Franchiseurs, revoyez vos clauses !

 

Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 juin 2024, pourvoi n° 23-15.741